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à deux ou trois places de l’Histoire, et est resté là, monumentalement immobile sur son lourd derrière de Caliban. La légende, si variée, en réalité, ne donne dans Victor Hugo que quelques notes, et ce n’est pas, certes ! l’érudition qui manque au poète de la Légende des Siècles. Il est aussi érudit qu’un vieux savant et son érudition n’est jamais officielle : elle est curieuse, elle est recherchée, elle est originale, moins historique que légendaire, téméraire, hasardeuse, ce qui convient, d’ailleurs, dans le cas présent. C’est enfin Térudition qui fouille dans tous les coins et qui descend et remonte toutes les spirales du temps et de l’espace. Victor Hugo a tout cela à son service, mais ce qu’il n’a pas, c’est l’imagination qui sait faire de cette tradition sa servante, la servante du roi ! Je vais dire une chose scandaleuse et qui fera peut-être pousser un cri : ce grand poète de Victor Hugo est certainement plus érudit encore qu’il n’est poète.

Il a l’imagination du mot plus que de la chose, et ce qui le prouve, ce sont les redites de ces seconds volumes, échos des premiers. Voyons, en effet, si nous ne sommes pas un peu dans les mêmes atmosphères… Est-ce que le Titan n’y rappelle pas le Satyre ? Est-ce que l’Espagne, les Pyrénées, l’Aquitaine, ce que le poète appelle « le cycle pyrénéen », déjà vues, ne reparaissent pas ? Est-ce que les effroyables et superbes orgies des Rois barbares, les coupe-gorges des brigands féodaux, toutes ces vastes ef violentes peintures