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pas effrayant ? Et encore, aucun de ces treize n’a les qualités exigées par Boileau pour qu’un sonnet vaille un long poème… C’est que d’Aubigné est, en poésie, un tempérament bien plus qu’un accomplissement de poète. Chez lui, ce n’est pas l’art qui est exquis, mais c’est le tempérament qui est énorme. Il a le tempérament qu’ont les hommes primitifs, les hommes qui commencent les races ; car il en a commencé une et il est un des primitifs de la Poésie française. Son mérite, c’est d’être un ancêtre. Il aurait pu dire, comme Augereau : qu’il en était un ! Et il l’est des plus grands. Pour qui a le sentiment des analogies et des parentés intellectuelles, Agrippa d’Aubigné est, évidemment, un des aïeux du grand Corneille, surpassé — je le veux bien ! — par son petit-fils. Il en a souvent l’inspiration fière, labonhomie sublime, les côtés héroïques, même dans l’amour, et le grand accent tout à la fois gaulois et romain. Comparez, par exemple, les vers ravissants de Corneille : A la marquise qui lui reprochait son âge, et l’admirable préface d’Agrippa d’Aubigné, incitable parce qu’elle est trop longue :

Livre, celuy qui te donne

N’est esclave de personne ;

Tu seras donc libre ainsi,

Et dédié de ton père

A ceux à qui tu veux plaire

Et qui te plairont aussi.

et voyez si le ton de l’un ne semble pas un écho de