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V

Or, c’est précisément (répétons-le une dernière fois cette beauté du poète, que l’édition actuelle, avec les appesantissements et les vulgarités de sa notice et les têtes d’épingles d’érudition de ses notules, n’a pas assez respectée. La notice a descendu l’idéale figure d’André du piédestal qu’il avait dans nos têtes et l’a mis de niveau égal avec tous ceux qui font péniblement de la littérature, et les notules, qui bourrent et surchargent ce livre ailé et envolé depuis longtemps dans sa gloire, nous montrent trop le poète rongé par le versificateur et par l’érudit. Cette recherche du travailleur, de l’homme à la lampe, du limeur, dupicoreur de fleurs grecques, peut plaire aux pédants, aux Scaliger de la Critique, mais enlaidit pour nous Chénier. Qu’est-ce que cela nous fait, à nous, qu’il sût du grec comme Trissotin et qu’il pût entrer à l’Académie des Inscriptions ?… André Chénier finit lui-même par sentir que tout ce travail de fourmi, engrangeant dans son cerveau tant de miettes de latin et de grec, finirait, de ses petits tas, par encombrer son génie : c Je donne trop à ma mémoire >, disait-il dans les derniers temps de sa vie. Il sentait bien que pour être Grec