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cédé à la pente du temps vers la biographie et l’analyse et leurs doubles curiosités vaines ; car c’est plus pour le poète que pour personne que le mot de Voltaire est vrai : « La vie des écrivains n’est que dans leurs écrits », ce qui retranche d’un seul coup les insignifiances, les futilités et les rapetissements des biographies. Quant à ce qui est de l’analyse et des méthodes de travail du poète, elles nuisent toujours à la beauté synthétique de son œuvre. Toutes les cuisines sont laides à voir, même celle du génie. On ouvre en vain la poule aux œufs d’or, on n’apprend pas comment se forment ces œufs d’or, dans le mystère de ses entrailles ! Gœthe, qui n’a pas beaucoup de grands mots à sa charge, en a un superbe, quand il dit qu’on ne sait pas plus comment les poètes s’y prennent pour faire de beaux vers qu’on ne sait comment les femmes s’y prennent pour faire de beaux enfants… Et il a raison, pour cette fois !

Ainsi, ni notice ni notules, c’est ce que j’aurais voulu, c’est ce que j’aurais préféré pour l’honneur du génie d’André et de sa personne poétique. Qu’on eût recueilli tous ses vers, dans cette édition qui visait au complet, qu’on eût respecté les moindres fragments de ses vers, — d’autant plus précieux pour les connaisseurs en poésie qu’ils sont des fragments comme les mains, les genoux ou les bras tronqués d’une statue ! — mais, selon moi, c’était là que le go ût et surtout l’admiration pour un pareil poète devaient s’arrêter. Nous savions de lui