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mourut, — la maladie pédiculaire, — et qu’il donna à l’une de ses maîtresses un de ses… rongeurs, dans un médaillon qu’elle eut le courage et le fanatisme de porter. C’est là un peu l’histoire de cette édition de Chénier. Tout ce que Chénier a peigné et ôté de ses œuvres auxquelles il faisait de si longues toilettes, on l’a trop mis en médaillon.

II

Certes ! ce n’est pas moi qui voudrais diminuer la gloire d’André Chénier. Je le regarde — et je le dis ! — comme un des plus grands et des plus charmants poètes dont la France puisse s’honorer. Il est mort tragiquement à trente et un ans, et ce qu’il nous a laissé d’achevé ou d’inachevé est incomparable. L’inachevé, même, parle d’autant plus à l’imagination ravie que l’imagination caresse l’ébauche et rêve sur le rêve du poète.Les Anciens, plus profonds qu’on ne croit dans leur naïveté, disaient heureux ceux qui meurent jeunes. Et cela est vrai dans tous les sens. Les œuvres inachevées du génie ont le bonheur d’être un éternel regret, et ce regret éternel les idéalise encore ! André Chénier, cette aurore de poète, plus délicieux, comme le soleil, à l’aurore,