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de Vigny — Coleridge etMilton des premières années. Elles ne donnent pas enfin deux raisons d’exister à la Gloire. Voilà pourquoi je me détourne avec regret de ces poésies qui n’ajoutent rien à ce qu’on sait du poète charmant, transparent et lumineux, qui s’est éteint dans le sombre bronze que voici, dans ce bronze du mépris qu’une créature humaine n’obtient jamais qu’à force de se briser…

Pour nous qui croyons que les plus belles poésies ne sont jamais faites pour la volupté intellectuelle de faire des vers, mais pour se soulager d’une oppression sublime, d’un étouffement titanique du cœur sous le poids d’un grand sentiment, pour nous qui avons’dit combien l’homme dans Alfred de Vigny était toujours le poète, ces poésies dernières nous font mieux comprendre cet homme que nous avons connu. Le nombre borné de ces poésies qui résument en quelques pièces les inspirations de trente années, et que je ne mettrai certainement pas, moi, sur le compte de ce dessèchement de la veine si commun chez les poètes communs qui n’ont pas en eux la source intarissable du génie, ce très petit nombre m’explique davantage et m’éclaire plus intensément Alfred de Vigny et cette transformation de tout son être qui lui avait fait mettre le doigt d’Harpocrate sur la bouche fermée de sa Muse.

Jevois mieuxainsicesincèreglorificateur dusilence, ce trappiste de la Poésie, qui s’était créé comme une