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Et n’avouant jamais qu’il saigne et qu’il succombe

A toujours ramasser son rocher qui retombe.

Si, plus haut parvenus, de glorieux esprits

Vous dédaignent jamais, méprisez leur mépris ;

Car ce sommet de tout, dominant toute gloire,

Ils n’y sont pas, ainsi que l’œil pourrait le croire.

On n’est jamais en haut. Les forts, devant leurs pas,

Trouvent un nouveau mont inaperçu d’en bas.

Tel que l’on croit complet et maître en toute chose

Ne dit pas les savoirs qu’à tort on lui suppose,

Et qu’il est tel grand but qu’en vain il entreprit.

— Tout homme a vu le mur qui borne son esprit.

Enfin, — car il faut se borner, — dans une pièce intitulée : Jésus aumontdes Oliviers, où l’âme du chrétien, rouverte un moment, se referme tout à coup, redevenue rigide, je trouve ces vers d’une stoïcité presque impie, qui vont assez avant dans l’inspiration du poète pour qu’on en comprenne la profondeur et pour que rien ne soit citable après :

Le juste opposera le dédain à l’absence

Et ne répondra plus que par un froid silence

Au silence éternel de la Divinité.

V

Telle donc est l’inspiration dernière d’Alfred de Vigny ; tel le sentiment amer, mais dompté, qui donne