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tout ce qui est inférieur, et qui faisait admirer auvieux Mirabeau le rouge que se mettait Mazarin mourant !

Le caractère du portrait d’Alfred de Vigny, en ses Œuvres posthumes, est ce que les Anglais appellent : the pensiveness, et que nous, qui n’avons pas la richesse étoffée de leur langue, nous sommes obligés de traduire par un affreux barbarisme : la pensivité… N’étaient-ce pas les soldats du philosophe Catinat qui l’appelaient, avec leur tact de soldats : le Père La Pensée ? Alfred de Vigny, l’auteur des Poèmes philosophiques, peut porter le même nom aujourd’hui. Il peut s’appeler aussi le poète La Pensée. Dans ce portrait dont il est question, son front, qui surplombe un visage tranquillement triste, jette l’ombre de sa voûte puissante à ces yeux rêveurs qui cherchent involontairement le ciel, mais qui, dans la réalité, revenaient se tourner vers les vôtres avec des airs fins et spirituels comme nous entendons le regard, nous autres polissons de la terre ! Ce poète d’Anges, en effet, qui aima, dit-on, fort peu angéliquement la très peu angélique madame Dorval, n’était point un vaporeux Klopstock. C’était un homme d’esprit à la française, très capable, comme il l’a bien prouvé, de glisser sa petite comédie à la Marivaux entre deux poèmes d’albâtre pur…

Excepté la force des épaules, auxquelles on pourrait reconnaître la race de guerre, faite pour la cuirasse, dont il était issu, rien n’indique, dans ce portrait