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d’être tout à fait un cadavre demain, et que cela influe légèrement sur son impartialité. Mais l’homme qui secoue de telles peurs est assurément un poète d une énergie plus grande que celle des autres poètes contemporains, dont, certes ! le mérite n’est pas la force. Lui, il l’a jusqu’à en abuser. C’est évidemment un poète de la famille du Dante, qui a mal tourné en tombant dans le monde moderne. Mais ce n’est pas sa faute ! Du temps de Dante, l’enfer était sous terre, et à présent, il est dessus.

Un dernier mot sur sa sincérité. Ce sincère endiablé, c’est le mot, à qui on a reproché de n’être pas assez sincère, l’a été jusqu’à la maladresse. Il y en a une surtout, parmi les pièces laissées dans ce sombre volume et qui y font tache : la Belle Fromagère, qui a produit sur certaines âmes, et c’était ces âmeslà auxquelles le poète des Névroses aurait dû tenir le plus, un effet de dégoût si profond et si invincible, que ces âmes poétiques, dignes d’apprécier les beautés et les hardiesses du livre, l’ont fermé pour ne plus jamais le rouvrir. C’est le fanatisme dans un dégoût irrévocable. La Vache au taureau a révolté des pudeurs * que je trouve, celles-là, partrop rougissantes, car c’est, pour moi, un groupe qui vaut le marbre dans sa plasticité et digne de la main de Michel-Ange ou de Puget, ces forts sincères qui n’avaient pas peur de la force ! Mais M. Rollinat a poussé la sienne jusqu’à la malpropreté du fromage, mêlé à l’amour. Il fallait