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troubler profondément et ils l’ont troublée, mais ils la dominaient. A eux deux, on attendant le troisième, qui viendrait ou qui ne viendrait pas, ils étaient devenus la plus éclatante expression de la poésie moderne. Ils étaient les rois de cette poésie qui s’est assise sur la tombe de la poésie du Passé, — la poésie sereine, idéale, lumineuse ! Ils étaient enfin la poésie du spleen, des nerfs et du frisson, dans une vieille civilisation matérialiste et dépravée, qui prend ses dépravations pour des développements et qui en est à ses derniers raies et à ses dernières pâmoisons.

II

Mais n’importe ! Après tout, c’étaient encore des poètes ! C’était encore de la poésie ! Elle était gâtée dans sa source, je le reconnais ; elle était physique, maladive, empoisonnée, mauvaise, décomposée par toutes les influences morbides de la fin d’un monde qui expire, mais elle n’en était pas moins dela poésie, prouvée même par la puissance qu’elle a sur nous tous, cette poésie faussée dans son inspiration et qui tournait et touchait souvent à ladémence. Est-ce qu’Edgar Poe et Baudelaire ne se complaisent pas quelquefois