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esprit jeune qu il a trop sacrifié depuis à toutes les disgrâces de l’érudition. L’homme du matérialisme positiviste n’existait pas encore en lui, — et du système physiologique à l’aide duquel il explique tout dans le talent des hommes, il n’avait, à ce moment, pris que ce qu’il en faut pour que ce soit une idée juste. C’est plus tard qu’il l’a faussée en l’étreignant. Doué de cette faculté d’analyse que j’ai appelée la moitié du critique, il avait cette imagination à couleur vive qui fait l’écrivain. Son travail sur les Fables de La Fontaine fut l’aurore d’un talent qui n’a pas eu, malheureusement, le midi que promettait son aurore. Il aurait dû rester dans ces premières nuances, et c’est lui-même qui les a surchargées et épaissies. On peut donc m’en croire, moi qui ai si peu gâté et tant discuté M. Taine, quand je dis que son livre sur La Fontaine est tout à la fois substantiel et charmant. Jamais la Critique n’a été plus large, plus compréhensive, embrassant une œuvre et une personnalité de génie avec plus de force caressante et d’intelligence dans l’amour. La Fontaine est jugé, dans ce livre, au double point de vue de la biographie et de l’analyse. Il y est scrupuleusement étudié dans l’origine, l’essence et toutes les portées de son génie. Nous sommes ici bien loin de ce pauvre Walckenaer, ce stérile écho de la rhétorique de tout le monde, lequel reste assis sur son petit paquet de renseignements comme un commissionnaire en retard, quand nous