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un accent bien byronien, quand Byron est doux, et qui a son charme de tristesse voluptueuse et amère :

Où donc es-tu pendant que je suis à souffrir ?

Peut-être t’assieds-tu, joyeux, à quelque orgie.

Que n’ai-je les vertus de l’ancienne magie

Pour connaître où tu vis quand tu me fais mourir !

Mais, après tout, et malgré la mélancolie de la touche du poète, ces deux poèmes ne donnent pas la valeur réelle, et que la Critique doive mettre le plus en relief, du livre et du talent de M. Paul Bourget. M. Paul Bourget est bien plus homme et bien plus poète quand il ne parle que de lui, de sa propre pensée, de ses propres sentiments, quand il ne chante que pour son propre compte, et quand lui, lui seul, s’agite dans les mystérieuses et prophétiques anxiétés de la destinée. Là est sa vraie supériorité. Sceptique comme lord Byron, — et c’est peut-être sa plus profonde ressemblance avec le grand poète qui accable toute comparaison, — sceptique comme Alfred de Musset et comme tous les enfants d’un siècle qui, du moins, avait sauvé du naufrage de son ancien spiritualisme l’honneur d’être sceptique encore, mais qui a fini par étouffer jusqu’au dernier éclair tremblant du scepticisme dans son âme, morte maintenant, morte toute entière sous l’athéisme contemporain, le douloureux inquiet de la Vie inquiète, qui, fùt-il heureux, a de ces pressentiments et de ces incertitudes :