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Les champs, les prés, les bois, le fleuve et le ravin

Sont inondés de rose et teintés de lumière.

L’àmo semble briser sa chaîne, et la prière

Dans l’infini s’envolo et monte, — c’est divin !

J’ai tout cité, — la pièce entière. Comment s’arrêter sur cette échelle de Jacob, qui va jusqu’au ciel ! Croyez-vous, maintenant, qu’il y ait en poésie une composition plus originale ? Quelque chose de plus simple et de plus savant dans sa simplicité, de plus un et de plus complet, de plus « sphérique », enfin, comme disait Platon quand il parlait de la beauté accomplie ?… Disque d’or plein que cette poésie, lancé par le poète à une hauteur à laquelle, chez les Grecs, jamais lanceur de disque ne lança le sien. Et partout, partout, c’est ainsi, en cette masse de poésies entassées dans ce volume qui déborde, et où l’auteur nous a donné toute sa vie poétique en une fois. C’est partout la même simplicité, le même fini, le même art caché et profond, dans les pièces les plus attendries comme dans les plus riantes ; car SaintMaur, ce vivant et ce jeune toujours, a les deux émotions du rire et des larmes. Il a les deux Muses, les deux célestes jumelles, qui ne sont pas, elles ! attachées l’une à l’autre par le dos, mais par la poitrine. Saint-Maur a, pour qualités premières, l’abondance Lamartinienne, la souplesse, l’aisance du nageur dans le rythme, la largeur de la touche et du développement, la difficulté facile des vrais poètes et