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cette force perdue ! car il va jusque-là. Il ne monte pas, il est vrai, cet esprit de provenance gauloise, jusqu’à la hauteur audacieuse de Rabelais, et il ne descend pas jusqu’à la profondeur de Molière ; mais il se tient dans l’entre-deux. II pourrait très bien aller, par exemple, de Boileau à Gresset, — les deux auteurs des deux Lutrins, — touchant, par la bonne humeur et le style, aux Epilresdn premier (V. le Dernier delà Classe et Octave), et peut-être capable de refaire le Vertvert du second, s’il n’était pas fait, ce chef-d’œuvre ! Poète même pour moi, esprit absolu et borné parce que je suis absolu, poètepourmoi qui n’aimequeles intenses, Saint-Maur n’en est pas un, cependant. L’était-il à vingt ans, l’âge desintensités ? Je nelecroispoint. Il n’a aucune exubérance. C’est un tempéré de nuances justes. Même au temps des Chevelus (il en était), il ne pouvait avoir le lyrisme de ces Chevelus échevelés. Je suis sûr que déjà il était exquis !… Corrégien de coloris, sanguin blond, qui peint rose plutôt qu’écarlate, il se tient dans un milieu d’art réfléchi, mais qui quelquefois pousse eu haut et devient superbe, comme un jet d’eau ensoleillé jaillissant tout à coup d’une mer calme. Tenez ! pour vous en donner une idée, voyez ce paysage. Ce n’est plus seulement une description, mais une espèce d’ascension lyrique, qui, de strophe en strophe, vous porte plus haut, et, dans son rythme et son sentiment, vous enlève :