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II

Élégiaque, lyrique, et comique ! Voilà les trois faces qui sont les trois profondeurs du talent de Saint-Maur. Ce n’est point du tout un monocorde. C’est, au contraire, le nombre des cordes qui fait la force de sa lyre. On parle toujours des sept cordes de la lyre… mais je crois que la sienne en a plus de sept. Imagination très étendue et très sensible, qui a sous ses mains un clavier énorme et qui monte et descend en un clin d’œil la gamme de tous les sentiments. D’aucuns vous diront qu’il est éclectique en poésie, mais ne les croyez pas ! Il est vrai. Il est sincère. Il ne choisit rien ; il éprouve tout. Il n’est pas plus éclectique que la harpe éolienne tendue aux vents dans les rameaux d’un amandier, et qui gémit d’un autre ton à tous les souffles passant à travers elle ! Saint-Maur est le plus vrai des poètes comme il était le plus vrai des hommes, et c’est sa vérité qui fait sa puissance. Ah ! je iesais bien et je ne le dirai pas, le défaut de ce poète que j’aime et qui est le défaut de la presque universalité des poètes de ce temps, mais je dirai ce que je me permets de regretter dans