donner une idée de ce poète qui rappelle ici André Chénier et le Poussin :
J’étais resté longtemps les yeux sur un tableau
Où j’avais retrouvé Théocrite et Belleau,
Fraîche idylle aux bosquets de Sicile ravie
Ayant bu la lumière et respiré la vie.
Ce tableau représente, en un verger sacré,
Un vieux pâtre taillant une flûte, entouré
D’un beau groupe d’enfants aux têtes attentives,
Qui se pressent, muets, dans des poses naïves.
Et, parmi ces enfants, que l’Art déjà soumet,
Un surtout, sérieux et bouclé, me charmait.
Je m’étais éloigné de cette aimable toile,
Et je voyais toujours l’enfant aux yeux d’étoile ;
Et je me surprenais, en marchant, à songer :
« Je veux dire à mes fils les leçons du berger,
« Leur tailler des pipeaux, et leur faire comprendre
« A quel point l’Art est doux, consolateur et tendre ! »
Je raisonnais ainsi, quand soudain, au détour
D’une place, je vis dans le fond d’une cour
Un homme pâle, usé, front courbé par la lutte.
Il tenait aussi, lui, dans ses doigts une flûte,
Et son chapeau fangeux, sur le pavé placé,
Dénonçait la misère et l’orgueil terrassé.
Or, je ne sais par quel sortilège exécrable,
Dans cet homme flétri, dégradé, lamentable,
Je revoyais l’enfant du tableau contemplé,
Les traits purs de l’enfant sérieux et bouclé.
— Ainsi fait le hasard dans ses jours d’ironie ! —
Je m’enfuis, inclinant ma tête rembrunie.
0 musique ! ô tableaux 1 ô Sicile, ô verger !
Mes fils ignoreront les leçons du berger.
Tel le voilà, ce petit chef-d’œuvre accompli. Quelle perfection dans le détail et quelle longueur de rêverie !