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ce gai, ce rieur, ce buveur, ce convive digne de Trimalcion, avait, au milieu de tout cela, dans un pli de son âme, comme une rose morte qui parfume plus étant morte que quand elle vivait, cette fleur coupée, la Mélancolie. Elle a parfumé non pas tous, mais quelques-uns de ses vers, et ces vers-là sont ses vrais vers parmi tous les autres, et ce sont ceux-là qui encharmeront le lecteur d’un recueil qu’il publia sur le tard, comme pour ajouter ki tristesse dela vie écoulée à leur tristesse. Quelques vers, tout le passé d’un homme… tout le passé dont il veuille se souvenir. Ils ne sont pas nombreux. Ils tiendraient, dispersés qu’ils furent et ramassés ici, comme ces clous d’or, dont parle Bossuet quelque part, qui tiennent dans le creux de la main. Hélas ! c’est la faute de la vie s’il n’y en a pas davantage. Le pouce cruel de la Réalité appuie souvent sur la gorge du pauvre rouge-gorge qui ne demandait qu’à chanter, et empêche le son de sortir. Cet homme aimable, que tout le monde appelait Monselet tout court dans une chaleureuse et flatteuse sympathie et parce qu’il plaisait à tout le monde, ce nonchalant de mœurs, fait, à ce qu’il semblait, pour se chauffer, lazzarone d’esprit, au soleil de tous les printemps et au feu de toutes les cuisines, cette gloire de tout festin et que toute la terre qui sait dîner eut voulu avoir à sa table, hospitalité intéressée ! n’a pas toujours été de près ce qu’il paraissait à distance, à travers ses livres faciles et légers. Ilétait comme nous tous.