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je connaissais l’historien de Grimaudde la Reynière, qui est mort sans l’avoir eu à souper, le malheureux ! — l’auteur des Dédaignés, que personne ne dédaigne plus depuis qu’il y a touché et qu’il les a vengés. Je connaissais le Monselet de tant d’autres livres où l’érudition se cache sous l’agrément, ce qui n’est pas ordinairement sa couverture ! Je connaissais enfin le Monselet pimpant, retentissant, grisant, dont on remporte les mots dans sa serviette, quand on dine avec lui, comme les miettes d’un dessert dont il est la fée. Mais je ne connaissais pas le Monselet intime, — le Monselet du Monselet, — la quintessence de l’essence, et c’est ce livre, intitulé tout uniment et tout simplement : Poésies complètes de Charles Monselet, qui me l’a fait connaître, qui m’a appris l’autre Monselet dont je ne connaissais que la moitié. La moitié, c’est bien gros ! Est-ce donc la moitié qu’il faut dire ?… Quoi qu’il en fût, ce que j’en connaissais n’était pas le meilleur de Monselet. Le meilleur, le voici. Ce n’est pas immense, mais c’est exquis. Cela n’est plus de ces espèces de vins joyeux qu’il a si largement versés et sablés toute sa vie, ce sont les gouttes précieuses d’un Lacryma Christi poétique des plus rares, et qui mérite ce nom mélancolique ; car il verse au cœur moins l’ivresse qu’une divine mélancolie.

Il l’avait, en effet, ce sentiment céleste sans lequel les poètes ne sont pas, et il en était un.Oui ! Monselet,