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ce qui rend cette impression encore plus profonde, c’est qu’immédiatement après avoir tracé cet écrit qu’on ne sait trop comment nommer, cette espèce de révélation testamentaire de sa vie, Amédée Pommier soit mort, après l’avoir signée. Cette mort presque subite donne, je trouve, à sa vie, la grandeur d’une destinée. Après avoir dit ce que furent ces deux femmes pour lesquelles il a exclusivement vécu, après avoir levé ces deux empreintes, il ne s’est plus trouvé ni rien à dire, ni rien à faire, et il s’est tu et a croisé les bras dans la mort. Eh bien, je ne peux m’empêcher d’admirer cette fin de poète, d’un poète qui a perdu sa Muse, — la Muse humaine qui ne doit plus le faire chanter ! Et moi, je ne reproche rien à cette œuvre accomplie, si ce n’est pourtant l’absence d’une croix, que j’y voudrais… Il n’y a que les croix qui fassent bien sur les tombes. Amédée Pommier eut les vertus chrétiennes, s’il n’eût pas la foi absolue du chrétien. La croix qu’il avait dans le cœur, il l’a mise ici, mais j’aurais voulu qu’il en mit une autre, — celle-là qui descend du ciel et qui peut nous y faire monter.