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avait donné cette tranquillité d’àme avec laquelle il avait accepté une destinée littéraire que les hommes de son temps auraient dû lui faire plus brillante. Mais, au bout du compte, il avait ce que n’eût pas Byron avec toute sa gloire et dans toute sa gloire, et dontleregret lui avaitfaitversertantdepleursdansdes vers immortels ! ll eut deux cœurs entre lesquels il mit son cœur, et ils vécurent tellement unis qu’un toit plus modeste encore que leur toit, qui était modeste, aurait pu les cacher. Ils se suffisaient, ces trois en un, — cette Trinité, comme l’autre, divine ! Il les aimait et elles l’admiraient, et lui, le poète trompé peut-être dans ses aspirations de renommée, buvait l’admiration dans la coupe de ces deux cœurs, qui en étanchaient, mieux que le monde, la soif infinie. Là, il était à côté ou au-dessus de tout… Là, il travaillait avec cet amour et cette puissance de travail qui n’ont jamais été, l’un refroidi, l’autre découragée. On se rappelle les vers qu’il publia, peu avant sa mort, dans le journal la Liberté, et avec lesquels il recommença le tour de force de Barthélemy, qui publiait chaque semaine un numéro de sa Némêsis. Amédée Pommier fit le tour de force, pendant un an, d’un feuilleton hebdomadaire qui était un véritable poème, et jamais personne ne s’aperçut, dans le jet superbe du disque qui eût pesé à la main d’un autre, de la fatigue du discobole !