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française des Rabelais, des Régnier, des Molière, des Boileau, de ces esprits les plus mâles d’entre nous, et par là il se retrouve plus classique que Barthélemy et Barbier. Chose qui prouve l’étendue et la souplesse de ses facultés : foncièrement de nature classique, il n’en fut pas moins un romantique déterminé. Le xvne siècle et le xix* se rejoignaient en lui et s’y étreignaient pour faire un poète d’ordre composite, très rare et très équilibré, et dans lequel on ne savait qui, des deux génies de ces deux siècles, dominait le plus.

Et voilà ce qui fait sa personnalité poétique. C’est par le classique traditionnel de son fond et par l’accent et le tour particuliers à la race des esprits dont il descend, autant que par l’audace romantique de sa forme, aussi travaillée que celle des plus rudes ouvriers en rythme de 1830, qu’il frappa d’abord l’attention et obtint des succès divers, qui étonneraient par leur diversité si l’on ne se rendait pas compte de la double tendance qui vivait en lui. Par un écart plein de puissance, il allait de Boileau à Théophile Gautier ; classique et romantique à la fois ! C’est le classique raffiné (ne vous y trompez pas ! ), c’est l’esprit gaulois, c’est l’homme de la vis comica capable de tourner le large vers de Molière, que Balzac, le grand Balzac, qui filait alors dans son cocon la chrysalide de sa gloire, voulut un jour embaucher et s’associer pour le Théâtre. Ils devaient faire ensemble une comédie.