Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/269

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ni poête, ni fleur, ni rêve, ni verdure.

Rien de ce qui vit peu ! Rien de ce qui peu dure

Rien de ce qui cherche les yeui ! Tu vis, imperturbable, énigme solitaire, Sans une émotion, proposant ton mystère, Pur, triste, — peut-être joyeux.

Eh bien, j’avai3 compris cette force paisible, Cette douceur profonde, immense, inaccessible !

Je m’inclinais à ton aspect. Mais, hélas ! ces candeurs sont bien vite passées ; Et nous ne pouvons pas garder dans nos pensées

La patienco du respect.

J’aurais dù m Incliner bien bas et fuir bien vite. Près de ces purs miroirs, la bouche même évite

De respirer. C’eût été beau D’emporter un effroi de ces choses sacrées, Comme un enfant, suivant des routes égarées,

Qui passe devant un tombeau.

Mais la Muse est parfois une sotte Égérie.

Il lui faut son roman partout, sa songerie.

Elle improvise des douleurs,

Des malédictions et des cris de commande,

Une fatalité factice qui demande

Un sacrifice après des pleurs.

La passion s’allume et l’âme repliée

Montre un tel désir d’être à jamais oubliée,

Qu’elle veut laisser, dans le pli

D’un lac et dans des vers qui serviront de socle,

Quelque chose d’étrange et du genre Empédocle,

Un souvenir de son oubli.

Je ne résistai pas à cette folle envie :

Je me frappai le front et je maudis la vie ;

Je chantai comme un fanfaron ;

Je crus faire trembler l’air de mon aventure —

Comme un damné, jetant à l’immense nature

Des relavures de Byron.