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Et M. de Banville les a faits. Encore une fois, je ne puis citer et j’en suis désolé ; car il faudrait citer tout. En effet, toutes les pièces de ce recueil d’Idylles sont superbes, et d’un pathétique d’autant plus grand que le désespoir y est plus fort que l’espérance ; qu’il y a bien ici, à quelques rares moments, des volontés, des redressements et des enragements d’espérance, mais tout cela a l’air de s’étouffer dans le cœur et la voix du poète, et on épouse sa sensation… Les hommes sont si faibles et ont tant besoin d’espérer, que c’est peut-être ce qui a fait un tort relatif aux Idylles Prussiennes de M. Théodore de Banville.

Le fait est que ces poésies, d’une si mâle inspiration, ont moins résonné dans les oreilles de tout le monde que les poésies de M. Déroulède, par exemple. Le vieil artiste, l’artiste consommé, et dans un jet de talent le plus puissant que ce talent ait jusqu’alors poussé, a eu pour préféré aux yeux du public un jeune homme quia fait des vers avec son cœur, tandis qu’il en faut faire avec son cœur, avec sa tête, avec tout ce qui fait qu’on est cette Complexité admirable et mystérieuse qu’on appelle un grand poète ! M. Théodore de Banville est cette Complexité. Il n’est pas le Saint-Genestde la poésie patriotique ; il est davantage. Mais c’est toujours la même histoire ! L’art, le talent, la poésie surtout, cette Isis voilée au vulgaire, sont incompréhensibles à qui n’a ni art, ni talent, ni poésie, et c’est le gros du monde, cela ! Je suis parfaitement