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Il regarde les vastes cieux,

Extasié comme un bon moine,

Et lourd, immobile, anxieux,

Il soupire après son avoine.

Il rêve au gazon vert du parc

Où le flot argenté ruisselle ;

Mais son vieux cavalier Bismarck

Sur son dos se remet en selle.

Pâle, dans le flanc du coursier

Que serrent ses genoux, il entre

Son cruel éperon d’acier ;

Il lui laboure son vieux ventre.

L’écuyer, roide et sans défaut,

Qui dans les entrailles lui plante

Ce fer, dit : « Crève s’il le faut,

Mais poursuivons l’œuvre sanglante.

« Pour que nos vieux cœurs allemands

Se repaissent de funérailles,

Viens fouler sous tes pieds fumants

Des cervelles et des entrailles.

« Écume et déchire ton mors !

Mais toujours, comme nous le sommes,

Soyons des faiseurs de corps morts :

Crève, mais foule aux pieds des hommes ! »

Est-ce assez beau, assez amer, assez brutal, assez morsure, assez haineux ?… L’expression ravale et insulte, mais les sentiments, quand ils ont cette intensité, grandissent tout ce qu’ils touchent, à plus forte raison tout ce qu’ils frappent ! Le Bismarck évoqué par le poète a, sur ce cheval rossé par la guerre, la taille historique d’Attila, et on pense à la fière parole