Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/250

Cette page n’a pas encore été corrigée

Funambulesques écrivait prophétiquement à la date de 1837 (il était et nous étions alors dans le bleu) : « Som « mes-nous su rs que les chevaux indomptés ne viendront « plus jamais mordre l’écorce de nos jeunes arbres ? « Eh bien, le jour où cette fatalité planerait sur nous, le « jour où se lèvera, haletant, courroucé et terrible, le « chanteur d’Odes qui sera le Tyrtée de la France ou « son fougueux Théodore Kerner, s’il cherche la langue « de l’ïambe armé de clous dans Le Ménage Parisien, ou « dans L’Honneur et l’Argent, il ne le trouvera pas… » Eb, parbleu ! on le savait bien. Mais, à cette époquelà, aurait-on mieux cru le trouver dans l’auteur des Odes funambulesques ?… Et cependant, il y était. Il était en puissance dans le souffleur de ces bulles de savon maintenant crevées ! L’auteur des Funambulesques s’amusait alors à la bagatelle, comme toute la France, et cependant, quelques années plus tard, il devait être non pas son Tyrtée, hélas ! à la France, — car Tyrtée conduisait les Lacédémoniens à la victoire, — mais son Kerner aussi, son Kerner qui rappellerait à la Prusse victorieuse la Prusse vaincue, et pour qu’il fût dit que les deux pays, analogie singulière ! auraient également leurs deux Théodore.

Tel l’honneur de ce livre, et telle la meilleure gloire du poète qui l’a écrit et dont le lyrisme, autrefois éclatant et gai, et la plaisanterie couronnée d’étoiles, avaient reçu ce coup de foudre qui leur avait courbé la tête comme à des saules pleureurs, sur les