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cette figure d’une si mâle expression de génie qu’il semble qu’on ne l’a jamais vue jeune, quoi qu’elle l’ait été… et quand le grand Corneille est toujours, plus ou moins, le bonhomme Corneille ! — (Comme La Fontaine, qui s’appelle aussi le bonhomme, mais pour d’autres raisons que Corneille ; La Fontaine, lui, touj ours heureux, le croira-t-on ? dans ses amours.) — Corneille, le bonhomme de grand homme, qui avait aimé cette Marie Millet dont il avait fait sa Mélite, qui avait aimé Marie Courant et probablement mademoiselle de Lamperière, — qu’il épousa comme Byron épousa miss Milbanck, tous deux, ces téméraires poètes, donnant, comme dit Bacon, cet otage à la Fortune, que la Fortune, cette affreuse Communarde, égorge presque toujours ! — Corneille, réfugié et monté danslagloireet qui semblait inaccessible et invulnérable, reçut en plein cœur ce coup d’une pâfe amour dédaignée et il n’en put guérir… Il avait cependant en lui de vigoureux dictâmes. Lui, l’homme des héros et d’un Idéal trop haut pour n’être pas étroit, l’homme à qui on a reproché de pousser la nature humaine j usqu’à l’abstraction, à la plus impossible des abstractions, sentit sur le tard de sa vie combien cette malheureuse nature humaine est concrète. Il souffrit… Et quoique l’amour des vieillards soit comique dans les comédies et dans la vie, dont elles sont l’image, le sien se marqua du tragique de son génie et de sa fierté. Il le prouva, à vingt places de ses œuvres, dans des vers que M. Levallois