Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/228

Cette page n’a pas encore été corrigée

du Corneille inconnu a été bercé avec ce nom de Corneille, donné par le hasard à un aigle, et que voilà, par le fait du génie, presque aussi fier et aussi beau que le nom de l’aigle romaine. L’aigle, dans Corneille, fut souvent romain, mais il fut plus que cela, et M. Levallois a voulu nous montrer tout ce qu’il fut. Cela n’a pas fait — disons-le ! — un aigle nouveau. Cela n’a pas fait une physionomie différente de la grande physionomie immortelle. Mais cela a fait, certainement, sur Corneille, un bon livre de plus.

Et je dis : un bonlivre, — meilleur(dans un sens circonscrit) qu’il n’est beau, et c’est ici que M. Jules Levallois va payer sa finesse… Quand il s’agit de Corneille et qu’on a dit à l’imagination qui l’admire : « Tu ne sais pas tout, ma petite, et je vais te montrer tout à l’heure un Corneille dont tu ne te doutes pas ! » l’imagination qu’on enflamme s’attend à quelque chose de splendide. Elle s’attend à quelque livre de feu, poétique comme le poète qui l’inspire. Et tel n’est pas le livre de M. Levallois. Il fait tomber de haut l’imagination, s’il satisfait d’autres facultés. Le critique rompu à la Critique l’a emporté ici sur le poète, dans un écrivain qui est, je le sais, poète à ses heures. L’auteur du Corneille inconnu a écrit son livre avec cette critique patiente, exacte, microscopique, contractée peut-être chez Sainte-Beuve, à laquelle il a mêlé pourtant une raison plus large et un ton plus grave et plus froid. Et c’est particulièrement cette froideur dans la