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Sans le Paradis perdu., je vous le demande, que serait maintenant le secrétaire de Cromwell, le polémiste contre Saumaise, le républicain, le saint d’Israël de la République d’Angleterre, l’auteur de la Doctrine chrétienne retrouvée en 1823 et qui ne nous intéresse un peu que parce qu’elle est de l’auteur du Paradis perdu ; car que nous fait, à nous, hommes du xixe siècle, que Milton fût, aux regards de l’Église protestante, orthodoxe ou hétérodoxe, trinitaire ou unitairien ? Que serait enfin cette vénérable (je le veux bien !) et inflexible Tête-Ronde dont le temps a fait une tête de mort comme des autres, dans le charnier de l’Histoire où elle aurait été oubliée, si elle n’avait été qu’une tête politique etreligieuse, et que l’historien, qui n’est, en somme, qu’un fossoyeur, n’aurait peutêtre pas reconnue en la roulant sous sa bêche ?… Mais, avec le Paradis perdu, voilà que tout change d’aspect, en un instant, dans les passions de l’esprit humain. Celui qu’on ne croyait qu’un vieux théologien aveugle devient l’Homère de l’Angleterre, et la mémoire de ce puritain en habit giis, qui serait maintenant évaporée comme les sons de l’orgue dont il jouait, disent les Histoires, près de sa porte ouverte, aux derniers rayons du soir, se fixe en immortalité.

Eh bien, — on en dira ce qu’on voudra, — c’est là un très noble spectacle, et le livre de M. de Guerie, qui nous le donne, nous l’a ravivé ! Cette histoire de Milton, ancienne comme lui, nous a paru nouvelle.