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comme bon sang ne peut mentir, M. Edmond de Guerle a peut-être, qui sait ! le projet de traduire plus tard aussi l’œuvre de Milton ? Et si cela était, son livre ne serait plus qu’une manière de pressentir et de préparer l’opinion, et de repassionner cette gloire froidie dans laquelle il a donné le coup de fourgon qui tire du brasier encore un dernier flamboiement.

Mais non ! toutes ces suppositions sont vaines. Nulle découverte récente ne s’est faite sur le vieux grand Classique anglais. Nul projet de traduction ne transpire dans le livre de M. de Guerle. Il reste donc, ce livre, dans les circonstances extérieures de la publicité, absolument sans raison d’être. Mais c’est justement ce qui m’en plaît… C’est le livre de l’amour et de la réflexion solitaires. C’est un livre désintéressé du moment présent et qui ne relève que de la préférence et du choix de son auteur. Quand M. Taine écrivait son Histoire de la Littérature Anglaise, il ne pouvait pas, lui, éviter Milton. Le poète du Paradis perdu tient une place trop éclatante dans l’Histoire littéraire de son pays pour ne pas crever les yeux, comme un soleil.Mais un livre sur Milton seul, et tiré de Milton seul, comme il tira lui-même son traité de la doctrine chrétienne de l’écriture seule (alone), on pouvait très bien ne pas le faire. Qu’y aurait-il eu de moins dans la gloire de Milton ?… Mais, que voulez-vous ? l’admiration, cette fille de l’amour, agit comme l’amour, sans regarder aux