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que deux paysannes, deux filles tout près de la nature, rencontrées au bord des rivières et des bois :

Simples glayeuls, à couleur arc-en-cine,

et qu’il engrava en ses vers sous les noms de Marie et de Cassandre, — car la troisième, qu’on y trouve aussi sous le nom de Synope, il n’est pas bien sûr qu’il l’ait aimée, — aima donc au-dessous de lui, comme les hommes vraiment grands, qui descendent presque toujours vers la femme qu’ils aiment, tandis que les petits veulent monter vers elle, — et il eut dans l’expression de son double amour une ampleur d’embrassement, un si vaste réchauffement de cœur, un emportement de geste si impérieux dans la caresse, que ses Sonnets et ses autres pièces intitulées : Amours, effacent par la passion, le mouvement et l’image, tout ce qui a jamais parlé d’amour. Il y a plus. Dans les ardentes fantaisies légères qu’il a jetées à tous les vents, dans ces poésies qui sont comme les bulles de savon de sa muse, mais dont la passion colore toujours la diaphanéité, Ronsard, ce poète jupiterréen de la Renaissance, ne peut déguiser ce qu’il est et garder l’incognito de sa divinité. Il a, dans ses pièces de vers les plus capricieuses, des façons, par exemple, de prendre le menton aux petites filles, qui les enlèvent mieux que l’aigle n’enlevait Ganymède… Et il n’est pas de chanson effeuillée dans sa coupe comme les roses qu’il y effeuillait, où ce maître poète, qui a