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IX

Tel Richepin, du moins pour moi. C’était, dès sa Chanson des Gueux, un poète parmi les poètes les plus distingués de ce temps. Maintenant, cherchez (même dans la littérature européenne) une poésie d’une verve aussi violente et aussi continue ! Cherchez un lyrisme et un athéisme aussi surhumainement furibonds !… Qu’est-ce que l’athéisme de Shelley, qui n’est, en fin de compte, que du panthéisme embrouillé dans des brumes allemandes, en comparaison de l’athéisme de Richepin ? Qu’est-ce que l’athéisme de Leopardi, ce poète pâle et froid comme la lune ? Shelley avait écrit le mot « athée », en grec, au bout de son nom, sur une cime des Alpes. Mais Richepin a écrit qu’il était athée sur la cime de ses vers, qui sont des Alpes aussi, et dont la neige est du feu !

L’Angleterre eut horreur de l’athéisme de Shelley. On ne touche pas impunément à Dieu dans une société fortement réglée. Mais la nôtre n’est plus une société, c’est une débandade, et elle n’a plus le droit de poursuivre un livre contre Dieu, quand elle-même ne