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monde, et c’est là précisément qu’est le côté humain, pathétique et déchirant de cette poésie qu’on a dit n’être qu’une rhétorique. La poésie de Richepin, car il m’ennuie de dire M. Richepin en parlant de cet outlaw de toute société et qui s’appelle lui-même un bohème, un sauvage, un barbare ! la poésie de Richepin n’est pas seulement de la furie et du vomissement d’ampleur de fleuve contre Dieu. Elle a l’angoisse de l’homme qui s’est brisé la tête contre le Sphinx sans mot des choses. Elle roule de l’angoisse dans le plus profond de ses flots. Qui ne voit pas cela ne voit rien ! Le poète d’un matérialisme si frénétique est malade d’infini. Ce désir d’infini, dit-il,

… malgré tout, persistant, Hélas ! il nous soutient autant qu’il nous accable. On en meurt, et la vie en est faite pourtant !

Cet effrayant négateur de l’absolu est dévoré par l’absolu du désespoir… et pour lui comme pour tous les poètes, c’est la douleur, qu’elle soit réelle et sentie ou simplement imaginaire, qui donne aux cris de ses vers leur toute-puissance. Ils ont la fureur, le déchirement et la durée, — et la large poitrine qui les pousse crache avec eux de son sang, quoiqu’elle soit d’airain !