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il faut en convenir, il est monocorde. Mais je ne sache pas que d’être monocorde soit, pour un poète, une infériorité ou une diminution de puissance, quand il tire d’une idée ou d’un sentiment unique la plus étonnante diversité, et l’abondance, dela profondeur.Pour rester dans la vieille image de la lyre, l’auteur des Blasphèmes a sur la sienne une seule corde qui vaut les sept… et cette corde, qui n’est ni la corde d’or, ni la corde d’argent, ni la corde d’airain, ni la corde de soie, c’est la corde humaine, tirée de nos entrailles, et qu’on lui a niée. Pour l’abaisser dans le plus lâche et le plus hypocrite des éloges, on a fait de M. Richepin, de ce bouillonnant contre Dieu, le plus volontaire et le plus roué des rhétoriciens. On a prétendu que cesbouillonnements tumultueux, embrâséset terribles, étaient sortis, non du volcan du cœur ou de l’esprit d’un homme, mais, le croira-t-on ? d’un parti pris aussi mesquin que celui de la volonté d’un gringalet littéraire qui s’est inoculé dans les veines une goutte d’impiété pour faire son petit effet contre Dieu. Estce assez misérable, cela ? Des docteurs en sincérité se sont établis carrément dans la conscience du poète Richepin pour mieux savoir que lui ce qui s’y passe, et ils ont déclaré que son impiété n’était qu’une comédie. Ils ont refusé de croire à la vérité de sa haine contre Dieu et à la loyauté de ses imprécations, comme s’ils étaient toujours sincères, eux, quand ils écrivent !

Ils avaient, si on s’en souvient, appliqué déjà cette