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Or, encore, quand on a ce don divin de poésie, on l’a partout et quoi qu’on chante. Lamartine, par exemple, que je viens de nommer, l’a autant quand il est impie que quand il est religieux. Il l’a autant dans son Désespoir et ses Novissima verba, que dans ses Méditations et ses Harmonies les plus pieuses et les plus résignées. Lamartine, cet homme d’un idéal habituellement céleste, a eu des moments dans sa vie où il blasphéma et fut Richepin, et Richepin a été toute sa vie ce Lamartine-là. La différence entre eux est que Lamartine remonta toujours vers Dieu du fond de son impiété et de ses blasphèmes, tandis que Richepin ne remonta jamais vers Dieu du fond des siens. Mais ce n’est pas parce que Lamartine remonte vers Dieu que l’on trouve lesblasphèmes momentanés du Désespoir et des Novissima verba sublimes, c’est parce qu’ils ont la flamme, l’émotion, l’intensité et la beauté inanalysable de cette substance mystérieuse qui est la Poésie, — cette âme dans une autre âme qui ne double pas toutes les âmes… Eh bien, cette âme exceptionnelle, l’auteur des Blasphèmes l’a comme Lamartine. Il est aussi inspiré à sa manière que Lamartine à la sienne. Seulement, il n’a qu’une inspiration, et Lamartine en a deux.

Non, cependant, que le lyrique qui débuta par la Chanson des Gueux et qui écrivit les Caresses en soit réduit, de nature, à la stérilité d’une seule inspiration, mais il n’en a qu’une dans les Blasphèmes. Là,