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dit un jour de l’affreux Richard Cœur de Lion : « Prenez garde à cous, le diable est déchaîné ! > Mais ici, le diable n’est pas M. Richepin tout seul. C’est le public aussi, comme M. Richepin. Deux diables en un, qui se valent et s’engendrent mutuellement l’un de l’autre, comme, dans l’Enfer de Milton, le Péché et la Mort, la Mort et le Péché. Moralement, puisqu’on est assez inconséquent pour nous parler de morale à propos d’un livre de poésies dans un temps d’immoralité littéraire comme il n’en a, certes ! jamais existé ; moralement, un livre qui s’appelle les Blasphèmes ne pouvait pourtant pas avoir l’accent d’un livre de bénédictions ! En somme, ce livre, annoncé depuis des années, est ce qu’il a voulu être, et il tient ce que son titre avait promis. Il a l’impudence de nos mœurs. A une époque où la liberté est le principe qui gouverne le monde en le malmenant, le livre des Blasphèmes est un livre de liberté… et personne n’a le droit de s’insurger si fort parmi ceux-là qui ont toujours le mot de liberté à la bouche ! Le livre des Blasphèmes est la conséquence très simple de l’état général des esprits. D’invention, il n’a pas la moindre originalité, et, socialement, il ne suppose aucun courage. Si son siècle n’était pas ce qu’il est, M. Richepin n’aurait pensé ni publié son livre ; mais il est de son siècle, il le connaît… et il a chanté.

Il a chanté pour toute une société de blasphémateurs. Seulement, a-t-il bien chanté ?… Quelle est la