cru que la hardiesse, et la crânerie dans la hardiesse, seraient de l’originalité. Il n’en est rien. L’Originalité ressemble à l’ange qui n’eut qu’à étendre la main pour vaincre Jacob, lequel faisait ce que fait M. Richepin, quand il s’efforce et donne d’une tête de bélier enragé contre tout. Et, du reste, pour ce que ces chansons en argot expriment et pour ce que la traduction française nous en apprend, il n’était vraiment pas la peine de se verdir à cette langue-là !
Mais ce n’est point dans ces partis pris de jeune homme qu’est le talent du poète de la Chanson des Gueux. Je l’ai dit déjà, là où je l’aime le mieux, c’est dans ses Gueux des Champs. Là il y a réellement de grandes et fortes beautés ; là l’accent profond, la couleur vraie, l’âcre senteur du sujet et en beaucoup de pièces ses lueurs terribles ; car toute misère est terrible quand l’Idée n’est pas là pour la désarmer. Or, e’est là ce que je reproche aux Gueux des Champs de M. Richepin. L’Idée de Dieu ne passe pas une seule fois dans le cœur ou dans la pensée de ces vagabonds et de ces mendiants dont il est le rhapsode, — dont il chante les Odyssées et les Idylles sur ce noir violon de ménétrier, brûlant et sinistre, qui vous émeut tant, et qui met jusque dans les airs de l’amour toutes les férocités de la vengeance contre la misère de la vie. M. Richepin sait le secret des sensualités et des intempérances du pauvre. Je ne lui reproche pas de le savoir, et même de le dire ; mais ce que je lui reproche,