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du poète. Mais son livre n’est pas qu’un recueil de poésies ; c’est toute une composition. Il l’a divisé en trois parties : les Gueux des Champs, les Gueux de Paris, et Nous autres Gueux ! Dans mes impressions, à moi, les Gueux des Champs sont très supérieurs aux deux autres, et sans que le talent du poète y soit pour tout, mais par le fait aussi du sujet, de son atmosphère, de ses. paysages, de ses superstitions et de ses mœurs. Les pauvres des champs, quels que soient leur bassesse, leurs passions, leurs vices mêmes, sont autrement poétiques que les atroces voyous de Paris, ces excréments de capitale et de civilisation, qui souillent l’aumône en la recevant… Et, d’ailleurs, ils sont placés plus loin de nous, dans une perspective qui est une poésie de plus. Les Couche-toutnuds d’Eugène Sue et de tant d’autres romanciers de cette époque, où le talent, quand on en a, regarde plus en bas qu’en haut, sont des types usés à force de s’en servir, et il faut toute la flamme d’expression de M. Richepin pour que nous ne soyons pas dégoûtés jusqu’au vomissement de cette vile canaille, aux infâmes sentiments et à l’abominable langage. M. Richepin, lui, a avalé son crapaud. Il va jusqu’à l’argot de ces arsouilles (le mot y est, et bien d’autres encore ! )… Il a écrit plusieurs poésies en pur argot, qu’il s’est obligé à traduire en français dans la page suivante. Franchement, c’est trop ! Mais M. Richepin est Jean-le-Téméraire en littérature. 11 a peut-être