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Tout un monde de gueux a passé dans son œuvre… Mais, qu’on me passe le mot ! ce sont des gueux spéciaux : — tous les Meurt-de-faim, tous les Stropiats, tous les Béquillards, tous les tronçons de l’effroyable guerre de Trente Ans ; une page plus d’Histoire que de nature humaine. Eh bien, c’est un ensemble encore plus large et plus étreint que celui de Gallot, qu’a voulu réaliser, dans un autre genre d’Art et d’expression, un jeune homme qui n’a pas été un bohémien comme Callot, mais tout au plus un bohème comme on l’est quelquefois, quand on a vingt ans, à Paris, au xixe siècle, et ce jeune homme s’est cru de force à mettre dans un livre de sentiment et d’observation, et de chanter ou de faire chanter en des poésies personnelles ou impersonnelles, toutes les misères de son temps, ces misères invincibles à la philanthropie, et qui, sous le costume et les vices de chaque siècle, forment la Misère éternelle !

Il faut convenir que cette idée ne pouvait venir qu’à une tète poétique, et je dirai plus : — à une âme profonde.

On peut être trompé, surtout en fait d’àmes, dans ce monde épais et sans transparence, mais jusqu’à nouvel ordre il me fait l’effet d’en avoir une, ce M. Richepin. lI me fait, lui le Villonesque et le Rabelaisien, l’effet d’avoir ce que n’avaient ni Villon, ce polisson auquel ce diable de Louis XI, si bon diable, épargna la corde, ni Rabelais, cet impitoyable génie