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Puisque, dans la stupeur des détresses suprêmes,

Mes pâles compagnons restent silencieux,

A ma voix d’enlever ces monceaux d’-inathèmes

Qui s’amassent contre les cieux !

Afin qu’elle éclatât d’un jet plus énergique,

J’ai, dans ma résistance à l’assaut des flots noirs,

De tous les cœurs en moi, comme en un centre unique.

Rassemblé tous les désespoirs.

Qu’ils vibrent donc si fort, mes accents intrépides,

Que ces mêmes cieux sourds en tressaillent surpris I

Les airs n’ont pas besoin, ni les vagues stupides,

Pour frissonner, d’avoir compris.

Ah ! c’est un cri sacré que tout cri d’agonie ;

Il proteste, il accuse au moment d’expirer.

Eh bien, ce cri d’angoisso et d’horreur infinie,

Je l’ai jeté ; je puis sombrer !

Convenez-en, n’est-ce pas très beau ?… et, dans le désespoir, pour la première fois du volume, d’un calme résolu plus pathétique que la fureur. Evidemment, c’est plus beau que le mot d’Ajax aux dieux : « J’en échapperai malgré vous ! » Par cette poésie seule vous pouvez juger la manière de madame Ackermann. Vous n’avez pas toutes les cordes de sa lyre, comme on dit séculairement, mais vous avez le son que donne le bois harmonieux.

Il y a dans le recueil des poésies plus longues, d’un déroulement plus large, d’une passion plus irritée, où le poète est plus Spartacus contre Dieu, plus insolent et plus blasphématoire, plus digne du fer rouge que le doux Saint Louis faisait enfoncer dans la langue des