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IV

Mais elle souffre, et c’est son mérite moral, s’il lui en reste encore, et dans tous les cas, c’est son talent La douleur de l’athée est sublime dans les Poésies de madame Ackermann. Elle y souffre comme toutes les âmes fortes, qui périssent d’orgueil, déchirées dans leur force vaine. Ces cruelles et sacrilèges Poésies, qui insultent Dieu et le nient, et le bravent, rappellent involontairement les plus grandes douleurs de l’orgueil humain, et on y retrouve comme un grandiose souvenir des yeux convulsés de laNiobé antique, des poignets rompus du Crotoniate et de la cécité de Samson dans l’entre-deux de ses piliers, — cette terrible cécité, qui renverse quand elle tâtonne ! Elle aussi, la femme aveuglément athée, renverse tout dans sa douleur d’être sans Dieu, et elle périt comme raison, cette philosophe, sur son athéisme écrasé. Je voudrais donner une idée de ce splendide désastre d’une philosophie impuissante à calmer les instincts afïamés d’une âme de nature immortelle, mais ce qui fait la beauté exceptionnelle des poésies de madame Ackermann, c’est la largeur d’une aile qu’on ne peut