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est, en un mot, la Proudhon de la Poésie au xixc siècle, moins odieuse pourtant que Proudhon parce qu’elle est poète, parce qu’elle est plus idéale que ce crocheteur, et surtout parce qu’elle expie son athéism e parle désespoir 1

Et sans cela, est-ce que je vous en aurais parlé ? Est-ce que je vous aurais parlé de cette femme qui n’est plus une femme et qui a consommé sur elle le suicide de son sexe ? Je l’aurais laissée avec s&plaquette des premiers jours et ses cent exemplaires. Mais cette femme, devenue… de lettres, a un talent… du diable, sans aucune plaisanterie. Il s’est trouvé que cette femme mûre, calme et grave, cette Matrone, cette bonne femme, cet honnête homme, comme disait Ninon pour se dispenser d’être honnête femme, et cette honnête femme tout de même par-dessus l’honnête homme de Ninon, il s’est trouvé que malgré tout cela cette madame Ackermann est, au fond, quelque chose comme un démon, et, moralement comme esthétiquement, c’est intéressant, un démon ! Elle l’est, du moins, par la certitude de son impiété et la douleur de sa pensée. Caractère contradictoire de tout ce qui est vraiment diabolique ici-bas : la sécurité de l’athéisme absolu et la souffrance, l’incompréhensible souffrance qu’il inflige à une âme ! — car pourquoi cette âme souffre-t-elle, si elle a la sécurité ?