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pas croire, quoique, pour elle, ce soit la Vérité. Au moins, dans tous les autres poètes qui chantent les angoisses familières aux âmes passionnées, ou même dans Baudelaire, le Vampire, ce pourlécheur des pourritures devant lesquelles, vivantes, le malheureux se prosternait, il y a, au milieu des ruines et des désolations de la créature qui se sent mourir et qui croit que tout va finir avec elle, des pages éclairées, des tableaux qui passent accentués plus ou moins de fraîcheur et de mélancolie, des souvenirs qui attirent et retiennent comme des yeux fascinateurs Couverts, des caresses qui se reprennent aux beaux cadavres pressés autrefois sur le cœur. Mais ici, dans ces Poésies si étrangement nommées philosophiques, il n’y arien… que rien, et contre ce rien seul le mouvement enragé d’un cerveau qui a l’orgueil inconséquent de vouloir être immortel. Il n’y a, enfin, dans cette poésie signée d’une femme, que des muscles de gladiateur tendus jusqu’à se rompre contre la Fatalité invincible, contre cet effroyable train des choses qui va passer toutàl’heure et toutanéantir ! Assurément, ce désespoir que le poète éprouve, ce désespoir exprimé dans de superbes vers presque cornéliens de vigueur sévère, a de la grandeur, mais cette grandeur est trop affreuse pour ravir l’âme charmée dans l’admiration et la sympathie. Seulement, allez ! ce qu’il fait n’est pas moins intense, puisqu’il frappe l’esprit d’épouvante comme le ferait une monstruosité. Certes ! je n’hésite pas à le