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écrivait son Homme-plante,) exigeait, pour être, le développement cyniquement forcené auquel maintenant nous assistons. Il fallait Darwin le Simiesque. Il fallait Proudhon, qui faisait mieux que de nier Dieu, car il le diffamait et l’appelait le mal. Et comme avant Darwin et Proudhon, ces grands scélérats intellectuels, on n’avait pas encore vu ces abominations qui sont le fond de l’abîme dans l’ordre de la pensée et après lesquelles il n’y a plus que la mort de l’Esprit humain à plat ventre dans ses ténèbres, on n’avait pas entendu non plus— car dans les vieilles civilisations les poètes ne viennent qu’après les philosophes — de poésie vibrant à l’unisson de ces épouvantables et damnés penseurs.

Mais, pour le coup, en voici un ! Et Dieu, qui se moque cruellement de nous, a voulu que ce fût-une femme… Madame Ackermann, dont je ne sais guères que ceci : c’est qu’elle fut l’amie de Proudhon, est l’auteur de ces Poésies philosophiques. Sa vie et sa jeunesse, qui n’est plus, je les ignore. On m’a dit qu’elle fut la femme d’un professeur, et elle-même semble, au premier coup d’œil, une de ces femmes qu’on croirait nées cvec une écharpe noire autour du cou, comme ces femmes-professeurs qui en portaient une, autrefois, dans certaines contrées de l’Italie. Entr’aperçue un soir, elle me fit l’effet d’une matrone simple et grave, mais nullement d’une poète, même quand elle dit ses vers. Se croyant philosophe, peut-être