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Aristote faisait des poésies ; il en a fait une — très belle ! — sur l’immortalité de l’àme. Mais ces poésies-ci ne croient pas à l’Immortalité. Elles sont impies, athées, — résolument athées, — navrantes, navrées et superbes, et c’est une femme, une faible femme, qui a eu le triste cœur d’écrire, avec une préméditation inouïe et l’intensité d’une rage froide, ces magnifiques blasphèmes contre la Vérité et contre Dieu !

Étonnement pour qui les lira, que ces Poésies. Et scandale aussi, mais scandale sans danger toutefois, et dans un moment je vais vous dire pourquoi. C’est étrange, inattendu, osé, mais, dans son inspiration exécrable, d’une si altière virilité de talent, qu’il était impossible de se taire sur elles.Moi qui ne suis guères qu’un pauvre pécheur de perles habituellement sans ouvrage, croyez bien que je ne manquai pas celle-là * Croyez bien que je ne la laissai pas cachée et perdue dans ces cent exemplaires d’alors parmi lesquels il y en avait peut-être cinquante de trop, et que je la signalai et l’offris aux cinquante personnes dont je voudrais trouver l’adresse, — oui ! les cinquante originaux, si même ils y sont, qui aiment encore le beau dans un temps qui préfère le laid… probablement par fatuité.

Car ces Poésies sont belles… à faire peur, comme disait Bossuet de l’esprit de Fénelon. Ce sont, à coup sûr, les plus belles horreurs littéraires qu’on ait écrites