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dont il dit un mot en passant : « Pourquoi me fuir, passagère hirondelle ? » et qui l’avait fui, comme l’hirondelle, car à peu près personne ne savait que cette romance fût de Lamartine, il n’y a rien dans ces Mémoires inédits qui accuse la prétention, l’ambition, l’orgueil et même l’amour de la littérature. Aucun livre ne pèse, de souvenir, sur ce livre-là. Cela n’est que de la vie humaine, les premières impressions d’une âme charmante dans des milieux charmants, et qui les dit comme il les éprouve. C’est, à son début dans la vie, le naturel en action de cet homme qui est bien plus que naturel, qui est tout nature, qui ne cessera jamais de l’être, et qui, quand un jour il deviendra sublime, sera, sans cesser d’être naturel, idéal.

Le naturel dans l’Idéal, oui ! voilà Lamartine. Ou pour mieux et plus exactement parler, l’Idéal dans le naturel. Sa nature était l’idéal même. Il était une équation superbe entre l’âme humaine et l’Absolu, à laquelle ceux qui ne sont pas au courant de la mathématique de l’Absolu et de l’âme ne comprennent et ne comprendront jamais rien. J’ai entendu quelquefois dire aux abjects de ce temps abject, qui ne regardent que la terre où ils mettent leurs pieds de devant comme ilsy mettentleurs pieds de derrière, que le naturel divin de Lamartine n’était pas du naturel. Et, au fait, ce n’était pas du naturel à eux ! C’était le naturel d’un être qui n’en était pas moins réel parce qu’il était