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nécessaire du génie. Comme l’aigle qui perce dans la profondeur du ciel pour y aller boire son coup de soleil, le génie humain monté à ce point culminant du sublime, — du sublime dont le caractère est de ne pas durer, — le génie humain peut très bien redescendre aux hauteurs moyennes et s’y maintenir avec imposance, au lieu de s’éventrer misérablement en tombantauxbornes duchemin. Mais, pour cela, il faut tout autre chose que du génie…

Il faut cette science, cette connaissance, cette expérience, qu’on appellera du nom qu’on voudra, mais que vulgairement on nomme : du métier.Le métier, en effet, est le fond de tout Art. En politique, dit de Bonald, c’est le bon sens qui fait les interrègnes du génie. Dans les arts et dans la littérature, c’est le métier. Quoique le grand Corneille et le plus grand Shakespeare fussent de vigoureux travailleurs, qui se donnaient un mal infini pour tricoter leurs drames dans les conditions du Théâtre et des poétiques de leur temps, ils n’avaient point assez de métier, et quand Voltaire appelait Shakespeare barbare, c’était un reproche que le métier faisait au génie.

Quoique je n’aie pas à comparer Auguste Barbier à ces grands hommes, il n’en est pas moins certain qu’il a montré du génie, le génie de la Poésie lyrique et de la Satire enflammée. Eh bien, Auguste Barbier est un grand artiste d’élan qui ne sait pas son métier, et qui ne le sait pas à une époque où le métier est devenu plus