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complet une gloire complète, Auguste Barbier aurait pu mourir, il n’était pas moins immortel qu’après toute une vie de chefs-d’œuvre… Il ne mourut pas, et nous y gagnâmes. S’il ne grandit point dans l’Art, puisque j’ai dit que des le premier coup il y fut complet, comme dans la gloire, il s’y féconda et il publia successivement ces merveilles : le Lion, l’Emeute, la Popularité, Melpomène, le Rire, Desperatio, les Victimes, Terpsychore, l’Amour de la mort, la Reine du monde, la Machine, le Progrès et l’Idole, l’Idole, qui, dans la préférence que l’on donne à des beautés égales, me semble ce qu’il y a de plus beau. Ce fut éblouissant et prodigieux. Parmi les grands succès contemporains, — (et dans ce temps-là on aimait la poésie pour elle-même, on n’avait pas les ineptes dégoûts d’à présent, ) — rien de plus prompt ne s’était produit. Les Méditations de Lamartine avaient mis leurs mains chastes et mélancoliques autour de tous les cœurs, mais, malgré un accent adorable, les Méditations, même dans leurs parties les plus fières : l’Epître à Byron, l’Enthousiasme, le Désespoir, n’avaient point eu ce ravissement sur l’imagination qu’eurent les premiers vers d’Auguste Barbier.

Beaucoup, d’ailleurs, de ces Méditations, sentaient la jeunesse, l’indécision, la balbutie. De son côté, Victor Hugo, qui avait été appelé l’Enfant du génie, on sait par quel parrain et par quelle marraine, avait donc été un enfant… Mais Auguste Barbier n’avait,