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III

Je l’ai dit, c’est le poète moderne par excellence, — Y excellence du mal de ce temps. Absence de conviction ; tout caprice ! Pour faire le génie de Henri Heine, , combien a-t-on broyé d’esprits ?… II est Allemand et il est Français ; il est ancien, renaissance, et moderne surtout, — et de la dernière heure du xixc siècle, — ayant passé à travers toutes les idées, tous ces cerceaux d’or qui n’ont que des fonds en papiers-chiffe et qu’il a crevés, en les emportant !

C’est un fils de Rabelais et de Luther, qui, les larmes aux yeux, marie la bouffonnerie de ces deux immenses bouffons à une sentimentalité aussi grande que celle de Lamartine.C’est un Arioste triste, aussi féerique et aussi délicieusement fou que l’autre Arioste, qui montait l’hippogriffe ! C’est un Dante gai, — cela s’était-il vu ? — exilé comme l’homme de Florence, mais qui a des manières de parler de sa patrie encore plus tristes que celles du Dante, sous cette gaieté, mensonge et vérité, qui lui étreint avec une main si légère et des ongles si aigus le cœur ! C’est un Voltaire, mais qui a