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catholicisme, — les idées protestantes étant tout ce qu’il y avait de plus antipathique à l’esprit de Heine, — le catholicisme donc et le judaïsme avaient laissé également en son âme des impressions superbes qu’il a superbement exprimées, quitte à s’en moquer une minute après ! Car l’enthousiasme et l’ironie étaient les deux boulets ramés, l’un brûlant, l’autre froid, de son genre de génie, — l’enthousiasme, qui ne dure pas ! l’ironie, qui revient toujours !

L’ironie ! Ordinairement, elle pousse tard chez les hommes. C’est une fleur amère d’arrière-saison. Mais chez Heine, phénomène étrange ! elle naquit sur la même branche que la rose pourpre de l’enthousiasme et la rose rose de la tendresse, — troisième rose, mais empoisonnée comme la fleur — rose aussi — du laurier. Lord Byron ne se prit à rire de ce rire dans lequel tremblent les larmes qu’on renfonce et qui vous retombent des yeux dans le cœur, que dans Beppo, l’un de ses derniers ouvrages, et dans le Bon Juan, son chef-d’œuvre inachevé, plus grand que toutes les choses qui aient jamais été finies ! Heine, lui, s’y prit plus tôt. Il dut être ironique, enfant, même avec sa bonne ou avec sa mère ; ironique et tendre, comme il le fut plus tard avec les femmes qu’il aima. Mais le citron, d’abord délicieux aux jours de la jeunesse heureuse, devint, sous les trahisons de la vie, d’une acidité presque cruelle à travers la suav’té des plus purs sorbets. Depuis les petits poèmes de l’Intermezzo—