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trop petit pour l’envergure de sa pensée, il fit Cromwell, l’injouable Cromwell, plus long que les trois Wallenstein de Schiller, et qui est certainement son chef-d’œuvre dramatique, — une énormité réussie, mais, enfin, une énormité ! Ce qui le poussa à écrire Cromwell fut le besoin d’esprit du même ordre qui le poussa, depuis, à nous donner une bucolique de parti pris de quatre mille vers presque tous dans le même rythme, énorme caprice, mais qui n’a pas voltigé ! Et ce n’est pas tout : si je rentrais dans l’homme encore après avoir traversé l’auteur, est-ce que je ne trouverais pas aussi un orgueil énorme dans Hugo, — cet orgueil qui est maintenant aussi officiel que son génie et qu’il a nommé Olympio ?

La vie privée doit être murée, mais quand elle se fait voir par-dessus les murs ou qu’elle les abat autour d’elle, on ne peut pas s’arracher les yeux ou le souvenir. Eh bien, dans cette vie privée indiscrète, Victor Hugo n’a-t-il pas commis d’énormes fautes, d’énormes imprudences, d’énormes maladresses ? Je n’insisterai point, mais ai-je besoin d’insister pour qu’on sente que l’énormité est la vie même de Hugo, de Hugo, la plus grande gloire contemporaine, — non la plus pure, non la plus justifiée, mais la plus… énorme ! Et l’énormité est encore plus que sa vie, c’est sa volonté, c’est son idéal. L’énorme, ça n’est pas uniquement sa fonction, c’est son aspiration. La grenouille s’enflait pour atteindre au bœuf, mais Victor Hugo a dans l’esprit